Login

Tribune de Stéphane Gérard Les Cuma prêtes à produire autrement

Stéphane Gérard attend beaucoup du projet de loi d’avenir agricole pour offrir de nouvelles perspectives aux Cuma. Et surtout pour placer les coopératives de matériel agricole au coeur du dispositif des groupements d’intérêt économique et environnemental. Une tribune extraite de Terre-net Magazine n°29.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

« D’un point de vue statutaire, les Cuma ne doivent pas être limitées à la seule mise à disposition de matériel car de nombreux agriculteurs désirent aller beaucoup plus loin dans la mutualisation », selon Stéphane Gérard, président de la Fédération nationale des Cuma. (©Terre-net Média)

« La diversité est une des caractéristiques fortes de l’évolution de l’agriculture et sa prise en compte une des clés de l’avenir du secteur. Cette diversité se retrouve aujourd’hui partout, au niveau des types d’agriculture, des systèmes de production et de culture, des organisations collectives. Elle impacte les Cuma dans leurs projets, leurs activités, leurs modes de fonctionnement et d’organisation et leurs liens avec les autres acteurs du territoire.

La Fncuma(1) accompagne fortement ces changements comme le montre son programme politique adopté en 2012 : d’une part, en réaffirmant l’attachement de son réseau aux valeurs coopératives et d’autre part, en menant une réflexion sur la pluralité des démarches coopératives, parfois au-delà du statut Cuma.

Ses actions de développement en tiennent compte également. Pour preuve : les outils comme "Cuma 2020" et le travail important et structurant, effectué avec différents partenaires, sur la coopération agricole de production afin d’enrichir les initiatives collectives qui y sont entreprises. Nous restons en effet convaincus qu’aujourd’hui plus que jamais, gérer des moyens à plusieurs, c’est innover et nous faisons le pari que la coopération se développera autour de l’acte de production. C’est avec ces convictions que nous abordons le projet de loi d’avenir agricole et que nous nous impliquons dans les orientations données par Stéphane Le Foll sur l’agro-écologie.

Impulser un droit coopératif qui ose innover

La loi d’avenir doit fortement encourager le développement des Cuma grâce à des politiques de financement incitatives : prêts bonifiés, financement pérenne du développement agricole à la hauteur des actions mises en oeuvre. En parallèle, il faut faire en sorte qu’aucune mesure ou réglementation appliquée à titre individuel ne soit plus avantageuse que celles en vigueur pour les Cuma.

Or, pour l’heure, de nombreux points ne vont pas dans ce sens. Les aires collectives de lavage des pulvérisateurs, par exemple, sont soumises au régime des installations classées alors que les aires individuelles ne le sont pas. Il est aussi très difficile, pour les Cuma, de construire des hangars en zone agricole.

En matière d’emploi, il devient indispensable de lever les freins à l’embauche et au partage de salariés. D’un point de vue statutaire, les Cuma ne doivent pas être limitées à la seule mise à disposition de matériel car de nombreux agriculteurs désirent aller beaucoup plus loin dans la mutualisation.

La Fncuma souhaite participer à la construction d’une politique publique, qui s’appuie sur les groupes d’agriculteurs, afin de construire de nouvelles pratiques agro-écologiques. Les organisations collectives sont de véritables leviers du développement agricole, notamment en matière environnementale. En outre, dans le contexte budgétaire actuel, nous défendons le principe d’une priorisation des financements publics vers les démarches collectives. Enfin, l’essor de l’agro-écologie passe concrètement par la résolution d’un certain nombre de questions, à la fois techniques et organisationnelles, liées aux agroéquipements.

Des Giee à taille humaine

Ainsi, les groupements d’intérêt économique et environnemental (Giee) doivent favoriser des projets ayant une double performance, à la fois économique et environnementale. Le dispositif doit alors nécessairement inclure un soutien à la mutualisation des outils utilisés, au partage des salariés, à l’optimisation technico-économique des chantiers agro-écologiques entre les exploitations d’un même territoire.

« Développer l’expertise agro-écologique. »

Il importe aussi que les Giee facilitent l’action collective. Nous recommandons idéalement des groupes à taille humaine, composés d’une quinzaine d’agriculteurs, où les engagements des membres ne se réduisent pas à ceux pris par la structure, mais correspondent à une participation effective et financière dans l’organisation. La proximité géographique et la dynamique d’ouverture des agriculteurs assurant une certaine cohérence territoriale.

De notre point de vue, les Giee ne doivent pas consister en une simple reconnaissance d’un projet, mais doivent se traduire obligatoirement par des engagements d’agriculteurs et des contreparties immédiates. Ainsi, ils devraient être officialisés par la co-signature d’un contrat entre les pouvoirs publics, une structure collective existante et ses adhérents.

Les Giee doivent offrir aux groupes un cadre de travail nouveau et, en particulier, des dispositions spécifiques pour simplifier le "faire ensemble". Ainsi, il faudrait autoriser les Cuma à réaliser des opérations accessoires, dans la limite non plus de 5 % mais de 20 % du chiffre d’affaires.

Il s’avère par ailleurs essentiel que les Giee soutiennent l’animation et la formation des groupes d’agriculteurs engagés dans l’agro-écologie. Le dispositif doit rendre obligatoire une co-animation pour mobiliser une double compétence : une expertise sur les questions agro-écologiques évidemment et en matière d’accompagnement de groupes (gestion des plannings, de l’organisation du travail et des relations humaines, des conflits, du risque ; investissements partagés…).

Les Cuma prêtes à produire autrement

Le ministre de l’Agriculture prévoit la majoration des aides pour les investissements collectifs. Cette mesure doit aller en priorité aux actions conduites collectivement et non à celles entreprises individuellement dans le cadre du Giee. Ce principe réduirait les démarches opportunistes.

Les Giee doivent aussi permettre d’éventuelles évolutions. Il est donc nécessaire de créer un système d’avenant au contrat pour l’entrée de nouveaux adhérents et l’élargissement à de nouvelles thématiques. Enfin, les Giee doivent donner l’opportunité d’étudier la faisabilité d’un droit à l’expérimentation territoriale en matière de règles environnementales collectives. Pour cela, un réseau national de Giee pourrait bénéficier d’un accompagnement spécifique, notamment scientifique et administratif. L’Etat doit par ailleurs appuyer la mise en place d’un réseau de capitalisation et d’échanges entre les porteurs de projets reconnus.

Sur la base des propositions avancées ici, les orientations nationales qui seront prises devront être suffisamment impliquantes. Ceci pour que la démarche reste cohérente dans la diversité des déclinaisons régionales qui seront mises en oeuvre et le foisonnement des initiatives de terrain.

La Fncuma demande que son réseau soit associé aux différents groupes de travail, constitués au niveau national et régional pour piloter le dispositif. Oui, le réseau Cuma est prêt à produire autrement. Les politiques instaurées par le gouvernement et, en particulier, la loi d’avenir agricole doivent nous y aider. »

Cet article est extrait de Terre-net Magazine n°29

Couverture Terre-net Magazine n°29.
(© Fotolia - Terre-net Média -
Création Terre-net Média)
 
 Si vous ne l'avez pas reçu chez vous,
retrouvez Terre-net Magazine en cliquant ICI

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement